Deborah Pinto
aux éditions 6 pieds sous terre
Format : 22 x 15.5 cm
Nombre de pages : 30
ISBN / EAN : 978-2352120360
En librairie le 17 avril 2008
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Madame Cahen est bien seule dans sa maison de retraite. Les visiteurs défilent, mais pas pour elle. Ni une, ni deux, maniant son fauteuil roulant en experte, la voilà qui file en douce. Une balade par ce beau temps, voilà une bonne idée. Mais Madame Cahen sait très bien où elle va. A deux pas, il y a une école primaire où se trouve Loulou, son petit-fils. Profitant de l’heure de la récré et d’un grillage abimé par endroits, les voilà tous les deux lâchés dans la ville… A travers ce petit récit, les auteurs nous parlent avant tout de transmission entre les générations, du partage du temps, celui qu’on regrette ne pas avoir partagé ni su se donner, tandis qu’il filait irrémédiablement.
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Critique pour le site du9
Posons la vie humaine dans ses extrêmes : très jeune, très vieux. Soit un début et une fin, entre les deux forcément une histoire. Ce livre n’est pas pour autant une biographie ou l’histoire d’une vie. Etre jeune, être vieux peut paradoxalement durer toute une vie,[1] il y aura donc deux personnages. Le lien sera celui du sang, de la famille, réduisant le temps à pas grand-chose, à la distance infra-mince d’un bisou ou d’un câlin entre une grand-mère et son petit fils. Loulou est en primaire, Mamé en sa dernière, et tout deux, sans le savoir, aspirent à en sortir.
Ecole et maison de retraite buissonnières, sont les programmes improvisés qui vont s’imposer/s’offrir aux deux personnages, au gré du hasard, de la chance, de l’improvisation pulsionnelle à l’inattention où se cacher, offrant le beau présent d’une liberté printanière.
Avec Loulou, le fauteuil roulant de Mamé devient un véhicule, un transport en commun effrayant/réjouissant, vers ces morceaux citadins de nature autorisée que sont les parcs et les cimetières. Ils y vont, ils s’y cachent, contemplent et se rappellent. Ils partagent ce qui eut/a l’illusion fragile, douce et tendre d’un début.
Mièvrerie ? Ce débordement de tendresse, cette ville idéale avec sa petite maison de retraite de proximité, pas loin de cette école, de ces rues sans trafic, de ces parcs boisés, de ce cimetière en bord de rivière, etc. Tout cela oui, pourrait le faire penser.
Pourtant, l’intérêt de ce livre est précisément là. Faire une histoire qui ne montre pas mais qui dit en creux la réalité de ce qui ne peut pas arriver. Les maisons de retraites sont loin en périphérie comme tout ce que l’on se cache, les écoles sont des garderies/coffres-forts pour petits trésors[2] et la ville n’est plus à l’échelle du piéton prié de prendre sa voiture comme tout le monde. Alors, oui, cette histoire est impossible. Elle montre des distances qui ne se parcourent plus, qui ont été oubliées par les familles nucléaires, voire effacées sous la doctrine d’un éternel présent impératif, pratique comme un neuroleptique.
Mamé nous offre donc ce constat de ne pas avoir été, de ne pas pouvoir l’être, de ne pouvoir le devenir. A constater, changerons-nous ? Comme dans ce livre devenu étrange, la fin est ouverte, rappelant dans un dernier envol que le «c’est la vie» ne doit pas se limiter qu’à l’expression d’une fatalité.
Jessie Bi
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